The Japan Times - Adèle Haenel, la "jeune fille en feu" qui a ouvert la voie au #MeToo français

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Adèle Haenel, la "jeune fille en feu" qui a ouvert la voie au #MeToo français
Adèle Haenel, la "jeune fille en feu" qui a ouvert la voie au #MeToo français / Photo: BERTRAND GUAY - AFP/Archives

Adèle Haenel, la "jeune fille en feu" qui a ouvert la voie au #MeToo français

Il y a cinq ans, Adèle Haenel fissurait l'omerta dans le cinéma français, ouvrant la voie au mouvement #MeToo, en accusant publiquement d'agressions sexuelles le réalisateur Christophe Ruggia, jugé lundi. Quitte à le payer de sa carrière.

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A 35 ans, c'est une très jeune retraitée qui est attendue sur le banc des parties civiles. Le cinéma, elle s'en est officiellement retirée, soldant une carrière qui a basculé le soir des César 2020, lorsqu'elle a quitté avec fracas la cérémonie contre le sacre de Roman Polanski.

L'actrice, née d'une mère enseignante et d'un père traducteur autrichien, qui a grandi à Montreuil (en banlieue parisienne), est une enfant passionnée de théâtre, repérée lors d'un casting passé par hasard pour "Les Diables" alors qu'elle a 11 ans.

C'est lors de la préparation et du tournage du film, sorti en 2002 et dans lequel elle interprète une adolescente autiste, qu'Adèle Haenel dit avoir été sous "l'emprise" de Ruggia et avoir subi des agressions sexuelles entre ses 12 et ses 14 ans. Elle renonce ensuite au cinéma, poursuit des études de commerce. Et, comme de nombreuses victimes, se tait.

- "Quelque chose de bien" -

Six ans après, elle renoue avec le 7e art, dirigée par une réalisatrice féministe, Céline Sciamma. "Naissance des pieuvres" signe sa renaissance à l'écran, dans la peau d'une ado qui découvre le désir.

Elle enchaîne les rôles au caractère affirmé, dont une prostituée dans "L'Apollonide: Souvenirs de la maison close" (2011) de Bertrand Bonello ou une militante d'Act Up dans "120 battements par minute" (201) de Robin Campillo. Romain Cailley, qui la dirige en jeune rebelle qui se prépare à l'apocalypse dans "Les Combattants" (2015), loue "une énergie, une présence, bref, un charisme".

Le rôle lui vaut son deuxième César, après celui obtenu en 2014 dans un second rôle pour "Suzanne" de Katell Quillévéré. A cette occasion, elle fait son coming out en remerciant sa compagne Céline Sciamma: "Parce que je l'aime".

Cette même Sciamma lui vaudra son rôle le plus marquant, aux yeux des cinéphiles, dans "Portrait de la jeune fille en feu" (2019). Une histoire d'amour entre deux femmes au XVIIIe siècle, devenue une oeuvre féministe de référence, pour sa façon de filmer le désir, débarrassé du "regard masculin".

Quelques semaines après sa sortie, l'actrice dénonce sur Mediapart les agissements de Christophe Ruggia. Le cinéaste réfute toute violence, Adèle Haenel fait face et reçoit de nombreux soutiens, dont ceux de Marion Cotillard et Julie Gayet.

"Je crois que j'ai fait quelque chose de bien pour le monde et pour mon intégrité", dit-elle alors, et "peu importe si cela nuit à ma carrière".

Dans le cinéma, la parole semble enfin se libérer, dont celle d'une femme qui accuse Roman Polanski de l'avoir violée en 1975, alors qu'elle était âgée de 18 ans.

- "Guerrière"

Quelques mois plus tard, douche froide. Adèle Haenel est nommée pour le César de la meilleure actrice pour "Portrait" mais l'Académie a également sélectionné, dans de nombreuses catégories, le film "J'accuse" de Polanski, au grand dam des féministes.

"Distinguer Polanski, c'est cracher au visage de toutes les victimes", prévient Adèle Haenel avant une cérémonie sous haute tension. Le 29 février 2020, le cinéaste, absent, est récompensé. L'actrice quitte la salle et lance un "Vive la pédophilie !" amer et ironique.

Elle devient un symbole. L'autrice Virginie Despentes salue le lendemain "la guerrière", celle grâce à laquelle les femmes osent dire: "on se lève et on se casse !"

La comédienne, elle, en a fini avec le 7e art. Elle se tourne vers le théâtre aux côtés de Gisèle Vienne, metteuse en scène contemporaine. Et continue la lutte, à la gauche de la gauche, contre les violences sexuelles, le racisme et le capitalisme.

Au passage, elle officialise son arrêt du cinéma, dénonçant "la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels et (...) la manière dont ce milieu collabore avec l'ordre mortifère, écocide, raciste du monde".

Des adieux en forme d'ultime pavé dans la mare: ils paraissent dans Télérama en 2023, à quelques jours de l'ouverture du Festival de Cannes, le plus grand rendez-vous mondial du cinéma.

T.Sasaki--JT