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"Baudelaire est mon amour d'enfance!" A 98 ans, Judith Magre, doyenne des comédiennes françaises en activité, n'en a pas fini avec la scène et déclame une vingtaine de poèmes des "Fleurs du mal", l'œuvre centrale de son poète préféré, jusqu'en mars à Paris.
C'est sur les planches que l'actrice se "sent le mieux". "Dans ma vie, deux choses ont compté: le théâtre et l'amour. Il fallait que j'aie un mec et le théâtre. J'ai eu la chance d'avoir eu tout ça. Maintenant, c'est un peu passé... Parce que les hommes mourant plus jeunes que les bonnes femmes, j'en ai plus... Ce que je trouve très triste."
"La vieillesse est une chose horrible", confie à l'AFP l'actrice, de sa voix reconnaissable entre toutes. "On est moche, on se traîne et on ne baise plus!"
Pour ce retour sur scène, celle qui fut récompensée par trois Molières, dont deux de la meilleure comédienne en 2000 et 2006, a sélectionné ses poèmes préférés des "Fleurs du mal" dont "Spleen", "La Vie antérieure", "Remords posthume" et "Enivrez-vous!".
"J'ai découvert Baudelaire à l'âge de 7 ans dans la bibliothèque de mon oncle et ma tante. En bas, il y avait les livres pour les enfants, un peu plus haut les livres pour les grands, dont Baudelaire qui est devenu instantanément mon amour de toujours. Il y avait aussi Sade que je n'ai jamais pu lire tellement c'est chiant!", raconte-t-elle.
Sur la scène du Théâtre de Poche-Montparnasse, Judith Magre donne vie à ces poèmes, tandis que le journaliste et écrivain Olivier Barrot dresse en interlude un portrait ciselé du poète, proposant tous deux un cours magistral qui attire aussi des classes de collégiens et lycéens.
L'an dernier, elle s'était livrée au même exercice avec les héroïnes des tragédies de Racine: Andromaque, Bérénice, Phèdre, Athalie, Agrippine...
- "Pas un métier" -
Deux fois lauréate du Prix du syndicat de la critique, Simone Dupuis de son vrai nom, hautes pommettes, rouge à lèvres éclatant, a débuté au cinéma en 1947. Mais, avec une centaine de pièces à son actif, c'est au théâtre qu'elle s'est illustrée, ayant à peu près tout joué, d'Eschyle aux comédies de boulevard.
"Vous savez que je n'ai jamais pris de cours de ma vie?", relève-t-elle dans un éclat de rire. "Pour lire des poèmes ou jouer un rôle, il suffit de savoir lire, de les apprendre par cœur et de parler. Cela ne m'a jamais paru un métier!"
"J'ai eu la chance de croiser des gens comme" les comédiens et metteurs en scène "Jean Vilar, Georges Wilson, Jean-Louis Barrault ou Jorge Lavelli", souligne-t-elle, en assurant: "Je n'ai jamais joué des choses qui m'ont emmerdée." "Dans la vie non plus, mais dans la vie, on n'est pas responsable de tout."
A 98 ans, elle a toujours des projets pour la scène, mais n'en dit pas plus. "Est-ce que ça se fera? On verra bien..."
"Dès mes 40 ans, on a dit de moi que j'étais une icône, un monstre sacré... Cela m'a toujours fait doucement rigoler... Je trouve que c'est un peu trop pour une pauvre actrice", remarque-t-elle.
La comédienne conclut toutefois son spectacle avec le mot d'ordre de Baudelaire: "Enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise!"
S.Ogawa--JT