AEX
14.0300
L'Union européenne a lancé jeudi une vaste concertation avec les constructeurs automobiles européens, en difficulté, leur promettant des mesures d'urgence pour passer le cap de l'électrification des véhicules face à la concurrence chinoise.
Un plan d'action sera dévoilé le 5 mars, a annoncé la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. "L'industrie automobile européenne se trouve à un moment charnière", "nous agissons rapidement", a-t-elle assuré.
Bruxelles doit composer entre ses ambitions environnementales et les appels à l'aide des marques européennes. En plein tournant pro-business, la Commission avait promis dès mercredi à la filière des "solutions immédiates" et des "flexibilités".
La Commission semble prête à épargner les constructeurs européens qui risquaient des amendes en cas de non-respect des objectifs de réduction des émissions de CO2 en 2025.
Ola Källenius, le patron de Mercedes et du lobby européen des constructeurs (ACEA), a réitéré son appel à renoncer à ces amendes.
La "seule façon de réussir" la transition vers l'électrique est de prendre en compte le "marché et la demande", a-t-il estimé, alors que les ventes de voitures électriques patinent en Europe.
Au grand dam des ONG environnementales, plusieurs Etats se sont prononcés contre les amendes ces dernières semaines, dont l'Allemagne, la France et l'Italie.
Pour lancer cette concertation, l'UE a réuni jeudi à Bruxelles les constructeurs Volkswagen, BMW, Mercedes, Volvo et Renault, avec des équipementiers, syndicats, ONG et représentants des consommateurs.
Le président de Stellantis, John Elkann, était absent pour des raisons d'agenda selon son groupe, et a échangé par téléphone avec Ursula von der Leyen.
L'automobile emploie quelque 13 millions de personnes au sein de l'UE et représente environ 7% de son PIB.
Mais les annonces de suppression d'emplois se multiplient en Europe, frappée de plein fouet par la concurrence de la Chine. Et l'arrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis laisse craindre une explosion des droits de douane sur les voitures du Vieux continent.
"Nous sommes dans une situation d'urgence. Si l'on regarde en arrière, on constate que certaines industries lourdes ont complètement disparu d'Europe en raison d'un manque de compétitivité", avertit Patrick Koller, directeur général de l'équipementier Forvia.
Comme un symbole, l'usine Audi de Bruxelles (groupe Volkswagen) s'apprête à cesser sa production fin février. Elle fabriquait un modèle haut de gamme de voiture électrique, mais les ventes de ce SUV sont en baisse et la direction met en avant "des coûts de production élevés" dans la capitale belge.
- "Grande attaque"
Le précédent mandat d'Ursula von der Leyen a été marqué par les ambitieuses mesures du Pacte vert (Green Deal), et son emblème: l'interdiction à la vente des véhicules thermiques neufs en 2035.
"Nous voulons maintenir cet objectif", a assuré mercredi la présidente de la Commission tout en promettant d'accompagner les entreprises dans cette "transition très complexe".
Jusqu'ici, le totem de 2035 n'a pas été frontalement remis en cause à Bruxelles. Mais la pression monte du côté des constructeurs et d'une partie de la classe politique.
Au Parlement, la droite européenne demande des aménagements et l'extrême droite appelle à "suspendre le Green Deal".
Les organisations environnementales s'alarment. "L'industrie automobile a lancé une grande attaque contre les normes de CO2 pour les voitures, qui sont la pièce maîtresse du Green Deal européen", prévient William Todts, de Transport et Environnement (T&E).
En Europe, la part des voitures électriques dans les ventes a baissé pour la première fois depuis l'envol du marché en 2020: 13,6% en 2024 contre 14,6% en 2023.
Pendant ce temps, la Chine, pionnière mondiale, a vendu 11 millions de véhicules électriques en 2024, un chiffre en hausse de 40% sur un an.
L'UE a engagé un bras de fer commercial avec Pékin, à qui elle reproche d'avoir artificiellement dopé sa filière électrique à coups de subventions publiques.
Malgré l'hostilité de l'Allemagne, Bruxelles a ainsi décidé fin octobre d'ajouter aux 10% de taxes déjà en place une surtaxe allant jusqu'à 35% sur les voitures à batterie de fabrication chinoise.
Mais en Europe, "l'ampleur des investissements et le rythme de l'innovation sont restés à la traîne", déplore un récent rapport de l'Institut Jacques Delors, particulièrement dans le domaine de la fabrication de batteries.
"La Chine devrait contrôler les deux tiers de la production mondiale de batteries d'ici à 2030", estime cet institut, qui appelle l'UE à "augmenter sa production assez rapidement".
T.Sasaki--JT