The Japan Times - Dans les mines du Panchir, reconversion forcée pour les bannis du régime taliban

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Dans les mines du Panchir, reconversion forcée pour les bannis du régime taliban
Dans les mines du Panchir, reconversion forcée pour les bannis du régime taliban

Dans les mines du Panchir, reconversion forcée pour les bannis du régime taliban

Par un froid mordant à plus de 3.000 m d'altitude, Mohammad Israr Muradi gratte la terre avec un peu d'eau et un tamis improvisé. S'il a de la chance, l'ancien policier trouvera quelques miettes d'émeraude qu'il revendra pour une poignée d'afghanis.

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Comme lui, ils sont des dizaines à se précipiter, chaque fois qu'un trolley rempli de roches ressort d'un des innombrables puits s'enfonçant dans cette montagne de la vallée de Mikeni, dans le Panchir, environ 130 kilomètres au nord-est de Kaboul.

Comme nombre d'anciens policiers et militaires, il s'est brusquement retrouvé sans travail à l'arrivée au pouvoir des talibans, mi-août, après la chute de l'ancien gouvernement soutenu par les Etats-Unis.

Mohammad Israr Muradi a alors investi quelques milliers d'afghanis et tenté sa chance comme vendeur ambulant de vêtements d'occasion à Kaboul.

Mais "ça n'a pas marché" et sans argent, il a été "forcé" de rejoindre la mine où, comme tous les nouveaux venus, il se contente du travail le plus ingrat et le moins bien payé.

- Creusés à l'explosif -

Si la présence d'émeraude dans le Panchir est connue depuis des millénaires, son exploitation sérieuse ne date que des années 1970 et reste largement artisanale, alors que sa qualité et sa pureté est souvent comparée à l'émeraude colombienne, la plus recherchée de la planète.

A Mikeni, comme dans les autres mines de la région, chaque puits est possédé en copropriété par plusieurs dizaines d'associés et exploité par une équipe d'une dizaine de mineurs.

Les puits, qui s'enfoncent parfois sur plus de 500 m, sont creusés à l'explosif. Pour accéder au site depuis le bas de la vallée, il faut grimper via une piste tracée dans la neige, sillonnée par les chevaux et les ânes apportant le nécessaire, de la nourriture aux moteurs des générateurs électriques.

C'est, entre autres, cette difficulté d'accès qui a convaincu Gulabuddin Mohammadi de travailler à Mikeni. De l'armée afghane, où il a servi pendant sept ans, il se souvient que c'était "un très bon job" payé 35.000 afghanis (295 euros au taux actuel) par mois.

A la mine, en comparaison, "on est traité comme du bétail" soupire l'homme de 27 ans, avant d'énumérer: "Nous n'avons pas de vrai endroit où vivre, nous sommes sous des tentes. On n'a pas d'eau, pas de feu, pas de clinique si on tombe malade".

Mais Gulabuddin Mohammadi n'avait pas le choix: "J'ai la responsabilité de nourrir les 25 membres de ma famille".

Selon lui, de nombreux autres anciens soldats ou policiers sont venus travailler là, ne sachant pas très bien quelle allait être l'attitude des nouveaux maîtres du pays à leur égard.

A leur retour au pouvoir, ceux-ci avaient décrété une amnistie générale, mais plusieurs ONG ont depuis fait état de l'exécution ou de la disparition d'anciens membres des forces de sécurité.

- Inspection des mains -

Les talibans sont bien montés une fois jusqu'à la mine. C'était peu après leur arrivée au pouvoir, se remémore Mohammad Riyah Nizami, un haut gradé de la police de Kaboul ayant travaillé à Mikeni.

"Ils ont rassemblé les travailleurs dans leurs chambres", leur ont examiné les mains pour repérer les nouveaux venus et en ont embarqué une vingtaine qui seront plus tard relâchés, raconte-t-il, expliquant que les talibans cherchaient "des combattants".

Vallée encaissée et difficile d'accès, le Panchir est un bastion historique de la résistance contre les talibans et la dernière région à être tombée sous le contrôle total des islamistes, fin septembre.

Mohammad Riyah Nizami se souvient d'ailleurs du voyage angoissant de Kaboul au Panchir, la "peur d'une incompréhension" aux nombreux barrages où les téléphones des voyageurs étaient inspectés.

Lui a eu de la chance: son travail, trouvé par un ami, consistait à pousser le chariot. Un peu plus de stabilité, 400 afghanis par jour et une petite prime s'ils trouvaient un filon.

Mais dès qu'il l'a pu, rappelé à Kaboul par les talibans ayant besoin de ses connaissances informatiques, il est rentré.

Ce qu'est prêt à faire aussi Mohammad Israr Muradi, alors que les talibans ont dit vouloir rebâtir l'armée et la police afghanes. Pendant des années, son travail était de poursuivre les talibans mais aujourd'hui, confie-t-il, "s'ils me rappellent au travail, j'y vais".

H.Nakamura--JT