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Le groupe armé antigouvernemental M23, qui a pris avec l'armée rwandaise le contrôle de la grande ville congolaise de Goma et déclaré vouloir "marcher" sur Kinshasa, a progressé jeudi dans l'est de la République démocratique du Congo, l'ONU se disant "très inquiète".
Goma, capitale de la province du Nord-Kivu coincée entre le lac Kivu et la frontière rwandaise, est tombée ces derniers jours après une offensive de seulement quelques semaines, lancée après l'échec mi-décembre d'une médiation RDC-Rwanda sous l'égide de l'Angola.
Mercredi et jeudi, le M23 et les troupes rwandaises ont progressé dans la province voisine du Sud-Kivu, vers la cité minière de Nyabibwe, à une centaine de kilomètres de Bukavu, selon des sources locales et humanitaires à l'AFP.
Après Goma, Bukavu, capitale provinciale du Sud-Kivu, pourrait à son tour être menacée.
"Nous sommes très inquiets concernant la situation au Sud-Kivu, qui reste très volatile, avec des informations crédibles de l'avancée rapide du M23 vers la ville de Bukavu", a déclaré dans la soirée Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l'ONU.
Face à l'aggravation de la situation sécuritaire dans la région, le président congolais Félix Tshisekedi a toutefois refusé de s'avouer vaincu, assurant lors d'une adresse à la nation mercredi qu'une "riposte vigoureuse" est en cours.
"Nous sommes à Goma pour y rester", a déclaré jeudi Corneille Nangaa, chef de la plateforme politico-militaire dont fait partie le M23, lors d'une conférence de presse à Goma. Et "nous allons continuer la marche de libération jusqu'à Kinshasa".
- "Tout a été pillé" -
Alors que les combats ont quasi complètement cessé à Goma, la ville pansait ses plaies jeudi, entre chaussées crevées par des impacts de mortiers et vitrines défoncées par les pillages, ont constaté des journalistes de l'AFP.
La situation humanitaire reste critique et internet, l'eau courante et l'électricité sont toujours coupés.
"Il n'y a plus rien à manger, tout a été pillé", s'inquiète Bosco, un habitant qui refuse de donner son nom. "Nous avons besoin d'assistance urgemment".
Les affrontements ont fait plus de 100 morts et près d'un millier de blessés, selon les hôpitaux. Ils ont aussi aggravé une crise humanitaire chronique dans la région où, selon l'ONU, plus de 500.000 personnes ont été déplacées depuis début janvier.
La Belgique a demandé à l'Union européenne d'envisager des sanctions contre le Rwanda. Londres a menacé jeudi "d'un réexamen de toute l'aide britannique au Rwanda".
M. Tshisekedi a pourtant condamné "le silence" et "l'inaction" de la communauté internationale face à "la barbarie du régime de Kigali", mettant en garde contre "une escalade aux conséquences imprévisibles" dans la région des Grands Lacs.
Il s'est entretenu jeudi avec le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot, en visite à Kinshasa. Ce dernier s'est ensuite rendu à Kigali, où il doit rencontrer vendredi le président Paul Kagame pour demander "le retrait des troupes rwandaises" de l'est de la RDC, selon ses services.
- Force de paix en sursis? -
Jusqu'à présent, les initiatives diplomatiques pour tenter de régler le conflit qui dure depuis plus de trois ans n'ont rien donné.
La Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), qui a des soldats déployés dans la région, a annoncé la tenue d'un sommet extraordinaire vendredi à Harare, au Zimbabwe. Selon le média sud-africain Daily Maverick, elle pourrait y annoncer un retrait de la SAMIDRC, sa force déployée depuis fin 2023 en RDC.
La SAMIDRC comprend notamment 2.900 soldats sud-africains, ainsi que des militaires malawites et tanzaniens. Pretoria fournit également des soldats à l'autre force de maintien de la paix déployée en appui à Kinshasa, celle de l'ONU (Monusco).
Les deux forces ont payé un lourd tribut aux affrontements de cette dernière semaine: 17 de leurs soldats, dont 13 Sud-Africains, ont été tués.
Paul Kagame a mis la pression jeudi sur la SAMIDRC, estimant qu'elle n'est "pas une force de maintien de la paix" et n'a "pas sa place dans cette situation". Il a également prévenu qu'il n'avait pas peur d'une "confrontation" avec Pretoria.
L'est de la RDC est déchiré depuis des décennies par les violences de multiples groupes armés, exacerbées après le génocide de 1994 au Rwanda.
Kinshasa accuse Kigali de vouloir y piller les nombreuses richesses naturelles, dont le tantale et l'étain utilisés dans les batteries et les équipements électroniques, ou l'or.
Le Rwanda dément, et dit vouloir y éradiquer certains groupes armés qui menacent selon lui sa sécurité en permanence, notamment les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), créées par d'anciens responsables hutu du génocide des Tutsi au Rwanda.
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T.Maeda--JT