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Après le chaos de la libération d'otages jeudi devant une foule survoltée, le mouvement islamiste palestinien Hamas a remis trois nouveaux captifs israéliens samedi dans des cérémonies huilées à Gaza. Mais sans renoncer au spectacle.
Dans le nord de la bande de Gaza, un podium désormais familier est dressé, gardé avec autorité par des hommes cagoulés, armés de lance-roquettes ou de fusils mitrailleurs.
Le cadre, lui, est quelque peu surréaliste. La mer Méditerranée, lumineuse, est en arrière plan, à deux pas du port de Gaza-ville.
Des entrailles de la cité détruite doit apparaître l'Israélo-Américain Keith Siegel, 65 ans. La cérémonie tarde un peu mais un porte-parole des brigades Ezzedine Al-Qassam, branche armée du Hamas, se veut rassurant.
"Nous attendons que l'unité fantôme, qui assure l'arrivée du prisonnier israélien Keith Siegel ici sur cette plateforme, le remette conformément à l'accord", dit-il dans haut-parleur. Quelle est cette étrange "unité fantôme" ? Elle apparait dans la propagande pour la première fois.
Une heure trente plus tard, le voilà enfin, casquette vissée sur la tête, la démarche mal assurée, sans doute épuisé.
Lorsqu'il salue les caméras, obéissant aux ordres, apparaît au dessus de sa tête un slogan écrit en anglais, sur une toile tendue : "Le sionisme nazi ne gagnera pas."
- L'hommage à Deif -
Plus tôt dans la matinée, c'est à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, qu'un plus modeste podium a été dressé.
Il est décoré lui aussi d'une toile affichant les photos de trois cadres des brigades Al-Qassam. Parmi eux, son ancien chef Mohammed Deif, tué par Israël en juillet dernier, et dont la mort n'a été admise par le mouvement qu'il y a trois jours.
Quand l'Israélien Yarden Bibas apparaît, barbe taillée, anorak rouge et noir, il a le visage sombre.
En Israël, nul ne sait ce qu'il est advenu de son épouse et de leurs deux fils, qui avaient huit mois et quatre ans lors de leur enlèvement. Mais tout le monde redoute de l'apprendre: le Hamas avait annoncé leur mort dans une frappe israélienne fin 2023. Israël n'a jamais confirmé.
Un combattant du Hamas intime à M. Bibas l'ordre de saluer, d'un geste de la main: une figure imposée pour les caméras des médias et celles du mouvement, qui dispose de son propre service de communication. Les images tourneront dans le monde entier.
Agé de 35 ans, l'otage s'exécute, aussi sobrement que possible. Pas de sourire. Puis, son "diplôme" de libération dans les mains, il se dirige vers la voiture du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qui l'attend.
Aucune foule n'applaudit. Le décorum est bien là, mais tout est sous contrôle. Le tout n'a duré qu'une poignée de minutes.
Le Franco-Israélien Ofer Kalderon l'a précédé, encadré en silence par trois combattants cagoulés, le front ceint du bandeau vert du Hamas et le fusil mitrailleur dans les mains.
Son geste du bras est plus franc, mais semble défiant. Ou porteur de colère. Barbe de trois jours, les trais tirés, il porte des vêtements kaki, sans signes distinctifs, dont il se débarrassera dès sa prise en charge par l'armée israélienne.
Lui aussi a été remis au CICR, dont deux délégués sont montés sur le podium signer le certificat de libération.
Avant même que le retour des trois hommes en territoire israélien ne soit officialisé, dans le cadre du quatrième échange d'otages contre des prisonniers palestiniens prévu par l'accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, le Forum des familles d'otages décrit "un rayon de lumière au milieu des ténèbres".
M.Saito--JT