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La Cour pénale internationale (CPI) a vivement condamné vendredi les sanctions prises à son encontre par le président américain Donald Trump, qui ont déclenché les protestations de l'ONU comme de l'Europe.
Seul Israël s'est félicité de la décision prise contre la CPI, qui n'a "aucune légitimité", selon son chef de la diplomatie.
Le président américain, qui reproche à la CPI d'avoir mené des "actions illégales", a signé jeudi un décret interdisant notamment l'entrée aux Etats-Unis à ses dirigeants, employés et agents et qui prévoit de geler tous leurs avoirs détenus dans ce pays.
Selon le texte diffusé par la Maison Blanche, la Cour a "engagé des actions illégales et sans fondement contre l'Amérique et notre proche allié Israël", des références aux enquêtes de la CPI sur des crimes de guerre présumés de soldats américains en Afghanistan et de militaires israéliens dans la bande de Gaza.
Dans un communiqué, la CPI, basée à La Haye, "condamne" ce décret, qui vise "à imposer des sanctions à ses fonctionnaires et à nuire à son travail judiciaire indépendant et impartial".
"La Cour soutient fermement son personnel et s'engage à continuer de rendre justice et de redonner espoir à des millions de victimes innocentes d'atrocités à travers le monde", ajoute la CPI.
- "Menace" pour "l'indépendance" -
La CPI est une juridiction permanente chargée de poursuivre et juger des individus accusés de génocide, de crime contre l'humanité et de crime de guerre.
Fondée en 2002, la Cour compte aujourd'hui 124 Etats membres et n'a prononcé qu'une poignée de condamnations.
L'ONU et l'Europe ont vivement protesté vendredi contre la décision américaine.
"Nous regrettons profondément les sanctions individuelles annoncées hier contre le personnel de la Cour et nous demandons" aux Etats-Unis "de revenir sur cette mesure", a affirmé à l'AFP une porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme, Ravina Shamdasani.
"Nous soutenons pleinement le travail indépendant de la Cour", un "élément essentiel de l'infrastructure des droits de l'homme", a-t-elle estimé.
La décision de M. Trump de sanctionner la CPI "menace" son "indépendance", a averti vendredi de son côté Antonio Costa, président du Conseil européen.
"Sanctionner la CPI menace l'indépendance de la Cour et mine l'ensemble du système de justice internationale", a déclaré M. Costa, qui préside l'instance représentant les dirigeants des 27.
L'Union européenne a pour sa part "regretté la décision américaine, se réservant la possibilité de prendre des mesures de son côté", a affirmé un porte-parole de l'UE, sans donner de détails.
La CPI "joue un rôle primordial dans le maintien de la justice pénale internationale et la lutte contre l'impunité", y compris en Ukraine, selon lui.
- "Regrets" des Pays-Bas -
Les Pays-Bas, qui abritent la CPI, ont fait part de leurs "regrets" après l'annonce du décret.
"Le travail de la Cour est essentiel pour le combat contre l'impunité", a soutenu le ministre néerlandais des Affaires étrangères Caspar Veldkamp sur le réseau social X.
Mais dans un communiqué sur X, le ministre israélien des Affaires étrangères Gideon Saar a assuré pour sa part que la CPI poursuivait "de façon agressive les dirigeants élus d'Israël, la seule démocratie au Moyen-Orient".
Selon lui, la Cour n'a aucune légitimité dans la mesure où Israël et les Etats-Unis ne sont "pas membres de la CPI".
Les républicains américains et de nombreux démocrates s'étaient indignés de l'émission d'un mandat d'arrêt de la CPI contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, reçu mardi dernier par le président américain, ainsi que contre l'ancien ministre de la Défense israélien Yoav Gallant.
Ses juges ont estimé qu'il y avait des "motifs raisonnables" de soupçonner les deux hommes de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité pour la guerre à Gaza, qui a suivi l'attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien.
M. Netanyahu avait qualifié la décision d'antisémite, tandis que l'ancien président américain, le démocrate Joe Biden, avait jugé "scandaleux" les mandats d'arrêt contre les Israéliens.
Selon des experts consultés par l'AFP, les sanctions américaines pourraient avoir un impact opérationnel paralysant.
Les sanctions pourraient également affecter les opérations techniques et informatiques de la juridiction, y compris la collecte de preuves. Certains craignent même que des victimes d'atrocités présumées hésitent à se manifester.
"Des entreprises et organisations pourraient simplement arrêter de faire affaire avec la CPI parce que c'est trop risqué", note auprès de l'AFP James Patrick Sexton, chercheur à l'Institut TMC Asser et à l'Université d'Amsterdam.
"De gros fournisseurs comme Microsoft pourraient simplement se retirer de manière proactive", ajoute-t-il.
S.Yamada--JT